jeudi 5 juin 2014




Mort de Helma Sanders Brahms, réalisatrice d'« Allemagne, mère blafarde »

Le Monde.fr | 29.05.2014 à 11h42 • Mis à jour le 29.05.2014 à 22h13 | Par Isabelle Regnier
Helma Sanders-Brahms à la Berlinale, en 2011.  

« En chinois, les mots “catastrophe” et “chance” sont représentés par le même idéogramme » nous disait Hanna Sanders Brahms en 2008, lors d'une visite en France. La cinéaste allemande venait présenter Allemagne, mère blafarde, chef d'œuvre glaçant d'ambiguïté, réalisé en 1980 et reconnu aujourd'hui comme l'un des plus grands films ducinéma allemand. Le nazisme n'y est pas envisagé sous l'angle de la seule catastrophe, mais aussi comme une « chance » pour son héroïne, une jeune mère jetée sur les routes comme une miséreuse pendant la débâcle, avec son enfant, et qui se retrouve dans le même mouvement affranchie du joug du patriarcat. La vraie catastrophe, pour elle, se pare du doux masque de la paix et du retour au foyer, quand le cocktail asphyxiant du refoulement des crimes de la guerre et de l'autoritarisme de son mari figent son visage dans une terrifiante paralysie faciale.

ISOLÉE ET FREINÉE
Cette histoire n'est pas pure métaphore. C'est celle de la mère de l'auteure, qui n'était autre que cette enfant élevée dans les ruines. Décédée le 27 mai des suites d'une longue maladie, Helma Sanders Brahms est née le 20 novembre 1940 à Emden (Basse-Saxe). On l'a associée, avec Werner Schroeter et Hans-Jürgen Syberberg, au nouveau cinéma allemand, mouvement subversif travaillé en profondeur par la question de l'héritage du nazisme. Elle-même ne s'en sentait pas si proche, estimant avoirtoujours été isolée, et freinée dans sa carrière, par sa condition de mère célibataire. Avant de faire des films, Helma Sanders-Brahms fut d'abord mannequin, speakerine, réalisatrice de documentaires pour la télévision.
Une rencontre avec Pier Paolo Pasolini, qui l'encourage à faire du cinéma, lui donne l'impulsion dont elle avait besoin pour se lancer dans la fiction. Pour se former, elle fait la « petite main »  sur des tournages, notamment sur un western spaghetti de Sergio Corbucci. Et puis elle tourne son premier long-métrage, Sous les pavés, la plage(1974), une réflexion sur les idéaux et les doutes de ceux qui ont fait mai 1968. A travers la trajectoire d'une jeune Turque désireuse de fuir l'oppression que la société de son pays fait peser sur les femmes, elle pose dans son film suivant, Les Noces de Shirin (1976), un regard sans concession sur la réalité de l'immigration en Allemagne.
INVENTAIRE DE L'ÈRE NAZIE
Singulière évocation de la vie du poète allemand Heinrich von Kleist à partir de sa correspondance, Heinrich lui vaut, l'année suivante, l'équivalent du César du meilleur film allemand. L'idée lui vient ensuite, alors qu'elle est enceinte, de faire un film sur sa mère, et sur sa naissance. Ce sera Allemagne, mère blafarde, un des seuls films, comme le pose Bernard Eisenschitz dans Le Cinéma allemand (Nathan Université, 1999), « à dresser de l'intérieur un inventaire de l'ère nazie », et dont la force repose, notamment, sur l'injection d'images d'archives de l'Allemagne en ruines qui font exploser le vernis académique de la fiction. Présenté à Berlin, le film sera très peu vu en Allemagne à sa sortie – beaucoup plus à l'étranger, en France notamment, et au Japon.
Dès lors, Helma Sanders Brahms aura de plus en plus de mal à faire financer ses projets. Elle renouera avec le documentaire, et retournera à la fiction chaque fois qu'elle en aura l'opportunité. Avec Apfelbaüme (Les Fruits du paradis) par exemple, en 1991, un film où elle envisage la réunification du point de vue des Allemands de l'Est, de leurs rêves d'oppulence brisés, de la dépossession que cette réalité historique leur a fait subir. Dans son dernier film, Clara (2009), la cinéaste s'est intéressée au destin de Clara Schumann, pianiste virtuose éprise de liberté qu'elle considérait, disait-elle, comme « la première star féminine issue de (s)on pays ». Encore une histoire où un mal – la folie grandissante de Robert Schumann, son mari – a permis un bien : la gloire de Clara, dans un environnement social qui ne s'y prêtait pas. Cette idée fixe qui structurait sa vision du monde, l'aura décidément guidée jusqu'au bout.

Hommage à Helma Sanders

http://www.filmsdefemmes.com/sites/default/files/styles/portrait/public/actualite-images/helma-sanders-brahms.jpg?itok=jGEneh71
Lundi 02 Juin - 12h30
Hommage à Helma Sanders Brahms 
Grâce à Helma, grâce à l’intensité et à la force, de son cinéma nous avons accepté de nous engager dans la restitution de nos vies à travers l’Histoire.
Nous avons pris conscience que nous sommes vivantes et responsables. Désormais nous faisons face à notre histoire personnelle et à la grande Histoire collective.
C’est cela le talent particulier d’Helma : celui de savoir solliciter l’individu dans son histoire et dans l’Histoire. Une oeuvre majeure. 
A partir de cette position (évidente dans son film : Allemagne Mère Blafarde qui connut un très grand succès international), que je ressens comme politique et
artistique, Helma Sanders Brahms a rayonné dans le cinéma européen et mondial de manière forte et constante. Elle a sillonné le monde entier avec ses films à travers les plus
prestigieux festivals collectionnant les récompenses Berlin, Venise, Cannes, Tokyo, Créteil…
 
Ma rencontre avec Helma date de 1979 année de naissance de notre festival . Elle avait déjà une oeuvre en plein essor et notre festival débutant a connu grâce à sa venue un succès public et médiatique
immédiat. Nous étions les « filles des ennemis héréditaires » : c’était de cette façon que nous parlions de nos vies. Elle particulièrement, avec les autres réalisatrices allemandes des années 80, a
apporté au cinéma français une nouvelle dimension : celle de la liberté de passer du documentaire à la fiction, du court métrage au long métrage dans un élan créatif en prise directe avec la réalité.
En France, notre Agnès Varda était alors une des seules à avoir tout essayé. 
Helma a tout tenté, y compris le film musical « Clara », son dernier long métrage fiction que nous avons présenté à la cinémathèque française en 2009 et qui met en
scène la vie et l’oeuvre de Clara et Robert Schuman et Johannes Brahms.
Y compris des parcours inattendus comme aux côtés de Pier Paolo Pasolini suivant son travail sur Médée. C’est d’ailleurs lui qui a fortement encouragé Helma à faire du cinéma de fiction.
J’ai revu récemment un de ses premiers films inédit en France, « les Derniers Jours de Gomorrhe (Die letzten Tage von Gomorrha, 1974) ».
Là aussi je suis admirative devant l’invention formelle qui fait de ce film une vraie aventure de politique fiction, mais surtout une création visionnaire organisée comme un film-d’opéra .
Le festival Internationnal de Films de Femmes de Créteil est fier, je suis fière d’avoir pu découvrir assez tôt l’oeuvre d’Helma SANDERS BRAHMS pour qu’elle reste présente dans les esprits et les coeurs de toutes les spectatrices de Sceaux et de Créteil et surtout qu’elle touche les jeunes générations.
 Sa mémoire sera honorée et nous serons vigilantes pour que son oeuvre demeure.
Jackie BUET
29/05/2014

mercredi 4 juin 2014

Helma Sanders Brahms

Je suis désolée de venir vous importuner
Mais je voulais vous faire savoir que  Helma Sanders Brahms
Est décédée ce jeudi 28/05/14.
Notre grande réalisatrice admirée du public de Creteil
Et connue internationalement pour notamment son film "Allemagne Mère Blafarde"
Nous manquera alors même que le combat des femmes réalisatrices commence à peine
À être l'objet d'un peu plus d'intérêt médiatique.

Je vous communique un texte que j'ai écrit en son honneur
Et avec émotion. 
Et pour que son œuvre continue à être diffusée et connue.
Si vous le jugez utile, merci de relayer cet hommage nécessaire.

Bien à vous

Jackie
Hommage à Helma Sanders Brahms

Grâce à Helma, grâce à l’intensité et à la force, de son cinéma nous avons accepté de nous engager dans la restitution de nos vies à travers l’Histoire. Nous avons pris conscience que nous sommes vivantes et responsables. Désormais nous faisons face à notre histoire personnelle et à la grande Histoire collective. C’est cela le talent particulier d’Helma : celui de savoir solliciter l’individu dans son histoire et dans l’Histoire. Une œuvre majeure.

A partir de cette position (évidente dans son film : Allemagne Mère Blafarde qui connut un très grand succès international), que je ressens comme politique et artistique, Helma Sanders Brahms a rayonné dans le cinéma européen et mondial de manière forte et constante.

Elle a sillonné le monde entier avec ses films à travers les plus
prestigieux festivals collectionnant les récompenses
Berlin, Venise, Cannes, Tokyo, Créteil…

Ma rencontre avec Helma date de 1979 année de naissance de notre
festival . Elle avait déjà une œuvre en plein essor  et notre festival
débutant a connu grâce à sa venue un succès public et médiatique
immédiat. Nous étions les « filles des ennemis héréditaires : c’était de cette façon
que nous parlions de nos vies.
Elle particulièrement, avec les autres réalisatrices allemandes des années 80, a
apporté au cinéma français une nouvelle dimension : celle de la liberté de passer du documentaire à la fiction, du court métrage au long métrage dans un élan créatif en prise directe avec la réalité. En France, notre Agnès Varda était alors une des seules à avoir tout essayé.

Helma a tout tenté, y compris le film musical « Clara », son dernier long métrage fiction que nous avons présenté à la cinémathèque française en 2009 et qui met en scène la vie et l’œuvre de Clara et Robert Schuman et Johannes Brahms.
Y compris des parcours inattendus comme aux côtés de Pier Paolo Pasolini suivant son travail sur Médée
C’est d’ailleurs lui qui a fortement encouragé Helma à faire du cinéma de fiction. J’ai revu récemment un de ses premiers films  inédit en France, « les Derniers Jours de Gomorrhe (Die letzten Tage von Gomorrha, 1974) ». Là aussi je suis admirative devant l’invention formelle qui fait de ce film une vraie aventure de politique fiction, mais surtout une création visionnaire organisée comme un film-d’opéra .

Le festival Internationnal de Films de Femmes de Créteil est fier,
je suis fière d’avoir pu découvrir assez tôt l’œuvre d’Helma SANDERS BRAHMS pour qu’elle reste présente dans les esprits et les cœurs de toutes les spectatrices de Sceaux et de Créteil et surtout qu’elle touche les jeunes générations.

Sa mémoire sera honorée et nous seront vigilantes pour que son œuvre demeure.

Jackie BUET 29/05/2014